Il fut un temps où certains journalistes se dressaient en boucliers de la vérité, dénonçant les dérives du pouvoir, brandissant le micro comme une arme citoyenne. Ils se disaient “indépendants”, “influents”, “intraitables”. Ils parlaient au nom du peuple, au nom de la liberté, au nom de l’éthique.
Mais aujourd’hui, ironie du sort, ces mêmes plumes se retrouvent à la table du pouvoir. Non plus comme observateurs, mais comme acteurs. Non plus pour questionner, maisd pour applaudir. Le décret présidentiel, jadis symbole d’un privilège politique, est devenu leur nouveau manifeste professionnel.
Le phénomène n’est pas nouveau, mais il prend de l’ampleur. Des voix qui hier encore critiquaient Alpha Condé ou le CNRD se sont tues, séduites par les honneurs et les nominations. Certains ont troqué leur liberté contre un fauteuil, leur conviction contre une fonction.
Bien sûr, nul ne peut interdire à un journaliste d’évoluer, de s’engager, de servir son pays autrement. Mais quand l’engagement se transforme en allégeance, quand le micro se mue en mégaphone du pouvoir, la société perd une sentinelle.
Le rôle du journaliste n’est pas d’être contre un régime, mais d’être avec la vérité, même quand elle dérange. Il doit garder la distance nécessaire entre la plume et le décret, entre le pouvoir et la conscience.
Aujourd’hui plus que jamais, la profession a besoin d’une introspection. Il ne s’agit pas de juger, mais de comprendre :
Où s’arrête la liberté du journaliste et où commence sa compromission ?
Peut-on continuer à parler d’indépendance quand les nominations deviennent récompenses pour “bons services” ?
Le journalisme ne meurt pas d’une balle, il meurt d’une soumission silencieuse. Et chaque fois qu’un journaliste abandonne sa neutralité pour les faveurs du pouvoir, c’est un pan de la liberté de la presse qui s’effrite.
Le pays a besoin de journalistes courageux, pas de chroniqueurs de palais.
Barry Diop journaliste Reporter d’images.