Depuis plusieurs jours, la capitale guinéenne et ses environs font face à une pénurie inquiétante de ciment, paralysant une partie importante du secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP). Cette situation a provoqué l’arrêt de nombreux chantiers, affectant directement l’économie locale.
Un reporter de Walpmedia.info s’est rendu sur le terrain pour constater l’ampleur de la crise. Plusieurs dépôts de ciment sont à sec, et les entreprises de construction peinent à s’approvisionner. Pour mieux comprendre les causes profondes de cette situation, nous avons rencontré Elhadj Mamadou Bailo Sow, Directeur Général de la Société de Gestion et de Construction Guinéenne (SGCG) et responsable de l’usine Syli Ciment.
Selon M. Sow, cette crise trouve principalement son origine dans l’augmentation des prix du clinker – composant essentiel à la fabrication du ciment – sur le marché international « La levée de l’embargo américain sur la Syrie a entraîné une forte demande de clinker pour la reconstruction du pays. Les fournisseurs nord-africains, notamment l’Algérie, se sont donc réorientés vers ce marché plus lucratif, réduisant leur approvisionnement vers l’Afrique de l’Ouest, dont la Guinée.
En parallèle, la capacité portuaire de l’Algérie, principal fournisseur de la Guinée, a été rapidement saturée, provoquant un véritable engorgement logistique.
L’absence de contrats fermes, un facteur aggravant», explique t-il
Elhadj Sow admet également une part de responsabilité « Nos fournisseurs, avec qui nous n’avions pas de contrats fermes à cause de la volatilité des prix, se sont tournés vers d’autres marchés. Cela nous a pris de court. Heureusement, un de nos navires est attendu le 4 juin, ce qui devrait permettre une reprise partielle de la production entre le 5 et le 10.
Mais d’ici là, la crise continue d’impacter la chaîne d’approvisionnement et ralentit des projets majeurs, notamment ceux liés aux entreprises minières comme Wining», a-t-il laissé entendre.
Pour le Directeur de Syli Ciment, la crise révèle un problème structurel : le manque d’anticipation et l’insuffisance des capacités nationales de production.
« Nous avons tiré la sonnette d’alarme depuis des années. Si notre usine n’avait pas vu le jour, la situation serait encore plus critique. Pourtant, en 2018, nos concurrents ont tenté d’empêcher la mise en service de Syli Ciment par crainte de saturation du marché. Ils n’avaient pas vu venir cette explosion de la demande
Et cette demande ne fera qu’augmenter, notamment avec le développement attendu du projet Simandou, dont les recettes seront massivement investies dans les infrastructures nationales», renchérit t-il
Pour prévenir de futures crises, Elhadj Sow plaide pour une politique industrielle forte, axée sur la production locale de clinker « La Guinée dispose de ressources naturelles suffisantes, notamment à Mali, Tougué et Siguiri, pour produire son propre clinker. Nous avons déjà mené des études géologiques confirmant la qualité du calcaire disponible. Il est temps que l’État autorise la construction d’usines de clinker pour assurer notre autonomie», a-t-il fait savoir
Il insiste également sur l’importance d’investir dans les infrastructures logistiques (routes, chemins de fer) pour acheminer les matériaux vers les centres de production
Elhadj Sow conclut en appelant l’État à prendre des mesures urgentes et structurantes :
« Il faut impérativement exiger l’augmentation des capacités de production dans les usines existantes et faciliter la création de nouvelles unités industrielles. Sans cela, la crise risque de durer jusqu’à décembre, voire au-delà. Et à mesure que de nouveaux chantiers s’ouvrent, la pression sur le ciment va s’intensifier», poursuit t-il
Et pour finir «La Guinée est encore à construire. Il faut penser aux autoroutes, aux logements, aux infrastructures. Le ciment est au cœur de ce développement», a-t-il lancé
Aliou Maci pour Walpmedia.info