En Guinée, voir des journalistes se lancer dans une campagne pour un “oui massif” au référendum est une dérive inquiétante. Le journaliste, par essence, n’est pas un militant. Son rôle est d’informer, de mettre en lumière les enjeux, de donner la parole aux différentes sensibilités et de permettre au citoyen de choisir librement. Lorsqu’il abandonne cette neutralité pour se mettre au service d’un camp, il trahit son mandat.
La Charte de Munich (1971), référence en matière d’éthique journalistique, rappelle que le devoir du journaliste est de « respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître la vérité ». Elle impose aussi d’« observer rigoureusement le secret professionnel et de ne pas confondre le métier de journaliste avec celui de publicitaire ou de propagandiste ». Or, en militant pour le “oui”, certains journalistes violent directement ce principe fondamental.
Une presse qui prend parti ouvertement dans un scrutin cesse d’être un contre-pouvoir et devient une caisse de résonance du pouvoir. Ce basculement enlève toute confiance au public, car l’information livrée n’est plus objective mais orientée. La démocratie, déjà fragile, s’en trouve affaiblie : un vote sans débat contradictoire n’est qu’une formalité habillée en consultation populaire.
Il est compréhensible que, dans un pays où les pressions politiques et économiques pèsent lourdement, certains journalistes cèdent à la tentation ou à la peur. Mais céder ainsi, c’est compromettre l’avenir de la profession et décevoir une population qui compte sur eux pour être éclairée, et non conditionnée.
En campagne pour le “oui”, ces journalistes se trompent de métier : ils deviennent propagandistes. Et une presse transformée en outil de propagande ne construit jamais une nation libre.
Jacques kamano