Le Fouta-Djalon, souvent qualifié de « château d’eau de l’Afrique de l’Ouest », incarne aujourd’hui un paradoxe saisissant. Une région riche par ses ressources naturelles, forte de sa diaspora active, et dotée d’un capital humain enviable. Mais, derrière cette vitrine, se cache une réalité bien plus contrastée.
🔻La première contradiction se situe sur le terrain économique. La diaspora du Fouta, à force de labeur sous d’autres cieux, génère des transferts financiers colossaux. Pourtant, ces ressources, au lieu d’être injectées dans des projets structurants, servent davantage à ériger des villas somptueuses, souvent inhabitées, symboles de prestige social mais non moteurs de développement. Le paradoxe est flagrant : pendant que des demeures de luxe se multiplient sur les collines, les routes restent dégradées, les écoles sous-équipées, les hôpitaux précaires et l’agriculture cantonnée à ses méthodes traditionnelles.
🔴Sur le plan politique, le Fouta nourrit depuis toujours l’ambition de jouer les premiers rôles dans la gouvernance nationale. La région constitue un bastion électoral incontournable, et ses élites se distinguent dans le débat public. Mais cette volonté de peser sur la scène politique se heurte à un handicap stratégique : la faible présence des jeunes du Fouta dans les corps régaliens — armée, gendarmerie, police. Des institutions pourtant centrales dans la structuration et la préservation de tout pouvoir d’État. Ce retrait, qu’il soit volontaire ou imposé, prive la région d’un levier déterminant, fragilisant ainsi ses ambitions politiques.
🔴L’éducation n’échappe pas non plus à ce paradoxe. Dans la moyenne Guinée, la majorité des jeunes privilégient les filières mathématiques et expérimentales. Une orientation académique louable, mais qui débouche majoritairement sur le commerce, l’ingénierie, la santé, le transport ou encore l’émigration. Résultat : une hypertrophie du secteur tertiaire, au détriment des institutions de souveraineté où se forgent pourtant les véritables équilibres du pouvoir.
🔴Sur le plan social, la migration a profondément transformé les mentalités. Les jeunes, exposés aux réalités d’Europe, d’Amérique ou du Golfe, aspirent à un cadre de vie modernisé. Mais leurs investissements restent orientés vers le paraître, alimentant une économie de rente et vidant la région de sa force vive. Ceux qui restent, quant à eux, se contentent d’un quotidien rythmé par les envois d’argent venus de l’extérieur
🟡Un simple exemple illustre ce phénomène : dans les agences bancaires, il n’est pas rare de constater que les guichets sont régulièrement pris d’assaut par des familles venues retirer l’argent envoyé par leurs proches de l’étranger. Ces transferts, bien qu’indispensables pour la survie quotidienne, alimentent davantage la consommation immédiate — mariage, construction, commerce informel — que des projets durables capables de transformer la région.
🎤🎥Alors, une question s’impose : que manque-t-il au Fouta pour transformer ses atouts en leviers de développement ? La réponse réside dans la réorientation stratégique des investissements et dans une intégration plus marquée des jeunes dans les structures régaliennes. Avec ses ressources naturelles, sa diaspora qualifiée et ses cadres compétents, le Fouta-Djalon pourrait devenir un modèle de développement régional. À condition de rompre avec l’obsession des investissements improductifs et de prendre toute sa place dans les piliers de l’État.
En définitive, le constat est clair. Le Fouta-Djalon reste une région riche en potentialités mais pauvre en réalisations concrètes. Une région ambitieuse politiquement, mais incomplète dans ses choix stratégiques. L’avenir dépendra donc d’une vision nouvelle, capable de concilier prestige social, développement économique et intégration institutionnelle.
⚫️ Un défi de choix et de vision. Soit continuer sur la voie actuelle, et renforcer l’image d’une région en décalage avec ses ambitions. Soit briser les habitudes, et hisser le Fouta au rang d’acteur central et incontournable de la Guinée de demain.
🎙️ Commentaire signé : [Falilou Barry],Reporter&Chroniqueur. EVASION TV