Parfois, il suffit d’un détail pour prendre le pouls d’un pays. En Guinée, ce détail, c’est un jour férié… prolongé de manière surprenante. Alors que, dans la plupart des pays où le bon sens administratif prime, un jour férié qui tombe un week-end est compensé par le lundi suivant, chez nous, c’est un peu plus généreux : deux jours de congé chômés et payés. Cadeau du ministère du Travail et de la Fonction publique.
Dans un pays confronté à une transition politique, à une économie fragile et à une administration chroniquement en retard, cette décision suscite plus de questions que de repos. Deux jours. Comme s’il fallait vraiment un double temps mort pour reprendre son souffle après une célébration. Ou pour digérer la Mamaya.
Car oui, on a vu un président dansant et chantant au rythme des festivités, en toute forme visiblement. On peut admettre qu’une telle énergie mérite bien un peu de repos. Mais les autres ? Les ministres, les directeurs, les chefs de services ? Eux aussi ont-ils sauté, tourné, virevolté au point d’être incapables de reprendre le travail dès le lendemain ?
Cette tribune n’est pas une attaque contre les traditions ni contre les temps de pause. Elle est une interpellation sur le sens des priorités. Le pays manque de tout : d’écoles bien tenues, d’hôpitaux fonctionnels, d’une justice crédible, d’une administration efficace. Et pourtant, on s’offre deux jours de congé comme si nous avions déjà tout accompli. Comme si nous pouvions nous permettre ce luxe. Comme si le calendrier de la transition était extensible à volonté.
Dans ce contexte, prolonger un jour férié revient à envoyer un message clair : le temps en Guinée peut bien attendre. Sauf que les défis, eux, ne prennent jamais de pause. Ni l’inflation, ni la pauvreté, ni les grèves, ni les attentes d’un peuple de plus en plus fatigué des lenteurs institutionnelles.
On attendait un État de rigueur, on découvre un État de relâche. On espérait une administration debout, on trouve des bureaux fermés. Et pendant qu’on ferme pour cause de fête, ailleurs dans le monde on travaille, on innove, on se bat pour rattraper le temps perdu.
Accorder un jour, c’est raisonnable. Deux, c’est une caricature de gouvernance. Un clin d’œil appuyé à cette manie guinéenne de croire que les problèmes se résolvent par la patience et le sommeil. Mais le réveil, lui, finira par sonner. Et il sera brutal.
Abdoulaye Kaback Camara