Journaliste : M. Diallo, en tant qu’entrepreneur influent dans le domaine du contenu local et du développement des PME, pourquoi estimez-vous que ces enjeux sont essentiels pour l’avenir économique de la Guinée ?
Abdoulaye Koubia Diallo : La Guinée dispose de ressources naturelles stratégiques et d’un potentiel économique considérable, mais notre tissu entrepreneurial reste sous-développé. Actuellement, nos secteurs clés – notamment les mines, les infrastructures et l’énergie – sont dominés par des entreprises étrangères avec une implication limitée des acteurs locaux. Pourtant, l’expérience internationale montre que l’intégration du contenu local est un facteur clé de croissance durable. Il ne s’agit pas simplement d’une question de souveraineté économique, mais d’un impératif stratégique pour renforcer notre compétitivité et créer de la valeur ajoutée sur place.
Journaliste : Justement, depuis le 5 septembre 2021, de nombreuses réformes ont été engagées par les autorités guinéennes. Quel regard portez-vous sur ces efforts ?
Abdoulaye Koubia Diallo : Il faut reconnaître que des avancées significatives ont été réalisées. L’État a pris des mesures concrètes pour améliorer la gouvernance économique et sociale. Par exemple, l’annulation de la réduction de 5 % des salaires des fonctionnaires et l’augmentation de 25 % du SMIG ont eu un impact direct sur le pouvoir d’achat des travailleurs.
En matière d’infrastructures, la construction et la réhabilitation de 2 252 kilomètres de routes montrent une volonté de modernisation du pays. Dans le secteur des finances publiques, on note également une meilleure gestion des ressources grâce à la digitalisation des services fiscaux et douaniers.
Mais au-delà de ces chiffres, c’est le cadre institutionnel qui a connu des évolutions majeures, notamment avec l’implication du Conseil National de la Transition (CNT) dans l’élaboration d’une nouvelle constitution.
Journaliste : Parlons justement du rôle du CNT. Comment analysez-vous son apport dans le processus de refondation de l’État ?
Abdoulaye Koubia Diallo : Le CNT a joué un rôle déterminant en menant des consultations inclusives pour la rédaction de la nouvelle constitution. L’avant-projet présenté comprend 205 articles, articulés autour de principes fondamentaux comme la séparation des pouvoirs et la consolidation de l’État de droit.
En plus de rédiger ce texte, le CNT s’est aussi engagé dans des activités de sensibilisation, notamment auprès des étudiants et des organisations de la société civile. Ce travail est essentiel, car une constitution doit être comprise et acceptée par tous les citoyens pour garantir une stabilité à long terme.
Je tiens également à féliciter la ministre en charge de ce département pour sa vision claire et ses réformes ambitieuses. Elle a su mobiliser les énergies et les ressources nécessaires pour faire avancer la Guinée dans cette dynamique de transformation. Son leadership a permis de créer un climat de confiance et de dynamisme pour l’élaboration de cette nouvelle constitution et pour la mise en œuvre de nombreuses réformes.
Journaliste : À votre avis, en quoi cette nouvelle constitution pourrait-elle favoriser le développement des PME et du contenu local ?
Abdoulaye Koubia Diallo : Une constitution bien conçue crée un environnement juridique stable et prévisible pour les entreprises. Par exemple, si elle consacre des dispositions spécifiques sur la priorisation du contenu local, cela permettra aux PME guinéennes d’accéder plus facilement aux marchés publics et aux investissements étrangers.
Ensuite, la reconnaissance du droit à l’initiative privée et à la protection des entrepreneurs pourrait encourager l’investissement local et réduire les obstacles bureaucratiques. C’est pourquoi il est crucial que les acteurs économiques suivent de près ce processus et participent activement aux débats sur cette nouvelle constitution.
Journaliste : Vous avez mentionné l’importance de favoriser le développement des PME et du contenu local. Quelles propositions spécifiques faites-vous pour accompagner ces réformes sectorielles ?
Abdoulaye Koubia Diallo : Voici quelques propositions sectorielles que je juge cruciales pour l’avenir de nos PME et du contenu local :
1. Création d’un fonds d’accompagnement pour les PME locales : Il est primordial d’établir un fonds de garantie d’investissement pour les PME, qui leur permettra d’accéder plus facilement aux financements nécessaires à leur développement. Ce fonds pourrait inclure des crédits à taux réduit, et des subventions pour soutenir les entreprises dans leurs premières années d’activité.
2. Renforcement de la formation et de la compétence locale : Il est nécessaire de renforcer la formation des jeunes dans des secteurs clés comme les technologies de l’information, l’ingénierie, l’agriculture et les industries. Les formations professionnelles en partenariat avec des entreprises privées et des organisations internationales doivent être une priorité. Nous devons également créer des centres de formation spécialisés pour les métiers techniques et entrepreneuriaux.
3. Accélération de la digitalisation des PME : Pour que nos PME puissent rivaliser dans un monde globalisé, elles doivent être accompagnées dans leur transformation numérique. Des incitations fiscales pour l’adoption des technologies numériques et des programmes d’accès à internet haut débit à prix abordables pour les petites entreprises seraient des leviers efficaces.
4. Mise en place d’une politique d’achats publics locaux : Il est crucial de mettre en place une stratégie de commande publique priorisant les entreprises locales dans les projets d’infrastructures, d’approvisionnement, et de services publics. Cela pourrait inclure un seuil minimum de participation des entreprises locales dans les grands projets d’infrastructure.
5. Création d’incubateurs et de pépinières d’entreprises : Le soutien à l’entrepreneuriat peut se faire à travers la création de pépinières d’entreprises et d’incubateurs pour accompagner les jeunes entrepreneurs dans leurs projets. Ces structures devraient offrir des services comme la mentorat, l’accès aux financements, et des formations sur les business models.
6. Protection de l’environnement et innovation durable : Enfin, il est essentiel de promouvoir une croissance verte en soutenant les PME qui adoptent des pratiques écologiques et durables, notamment dans l’agriculture, les énergies renouvelables et les industries. Des incitations fiscales et des crédits verts pour ces entreprises seront des leviers importants.
Journaliste : M. Diallo, vous êtes aujourd’hui un entrepreneur de renom, mais tout le monde sait que le chemin de l’entrepreneuriat est semé d’embûches. Pouvez-vous nous parler des difficultés que vous avez rencontrées à vos débuts et comment vous avez réussi à surmonter ces défis ?
Abdoulaye Koubia Diallo : Effectivement, le parcours entrepreneurial n’est jamais simple. Lorsque j’ai commencé, les défis étaient multiples. L’un des premiers obstacles que j’ai rencontrés était l’accès au financement. Comme beaucoup d’entrepreneurs en début de carrière, j’ai dû faire face à des refus bancaires répétés. Les institutions financières ne croyaient pas vraiment dans le potentiel de projets portés par de jeunes entrepreneurs locaux, et les garanties exigées étaient souvent hors de portée.
Face à cette situation, j’ai dû faire preuve de persévérance et d’ingéniosité. J’ai cherché des alternatives, comme les investisseurs privés et les partenariats locaux, et j’ai réinvesti tous les bénéfices de mes premiers projets pour développer mon entreprise. J’ai aussi appris à comprendre les rouages de la gestion financière et à optimiser les ressources disponibles.
Un autre défi majeur a été le manque d’infrastructures et de ressources humaines qualifiées dans certains secteurs. J’ai dû former mes équipes et mettre en place des programmes de formation internes pour combler ces lacunes. Cela m’a permis non seulement d’acquérir de nouvelles compétences mais aussi de renforcer la cohésion et l’engagement au sein de mon équipe.
Enfin, un des plus grands défis a été de convaincre les partenaires locaux de croire en mes projets et en ma vision. Cela a pris du temps, mais en restant fidèle à mes valeurs, en montrant ma détermination et en fournissant des résultats tangibles, j’ai gagné leur confiance petit à petit. Aujourd’hui, je peux dire que ces difficultés m’ont forgé et m’ont appris à être plus résilient, innovant, et surtout à ne jamais abandonner.
Journaliste : Pour conclure, quels sont, selon vous, les défis majeurs à relever pour garantir un impact durable de ces réformes sur l’économie guinéenne ?
Abdoulaye Koubia Diallo : Le premier défi est l’application effective des réformes. Trop souvent, de bonnes mesures sont adoptées mais leur mise en œuvre reste partielle. Il faut un suivi rigoureux des politiques publiques.
Ensuite, l’accès au financement pour les PME doit être amélioré. Sans des mécanismes adaptés comme un fonds de garantie ou des crédits à taux réduit, nos entrepreneurs resteront marginalisés.
Enfin, il faut renforcer les compétences locales. Le gouvernement doit investir davantage dans la formation technique et entrepreneuriale pour que nos jeunes puissent saisir les opportunités économiques créées par ces réformes.
Journaliste : Merci pour cet échange, M. Diallo.
Abdoulaye Koubia Diallo : Merci à vous. L’avenir de la Guinée se joue maintenant, et c’est ensemble que nous devons construire une économie forte et inclusive. Je tiens encore à féliciter la ministre du département pour son travail remarquable et sa capacité à engager la Guinée dans cette dynamique ambitieuse.